Le Requin Vert

Le Liban fût une démocratie longtemps considérée comme un croisement entre la Suisse et Las Vegas sur la Côte d’Azur du Moyen-Orient. Mais l’influence du conflit israélo-palestinien limitrophe et la guerre qui éclata entre les milices chrétiennes et les combattants palestiniens (implantés en masse) au milieu des années 70, brisa la cohésion nationale et plongea le pays dans un chaos qui subsiste encore. Cette guerre marqua une génération qui voyait des images à la télévision, où des jeunes gens et des adolescents se battaient, kalachnikov à la main. Des jeunes qui auraient pu, en d’autres circonstances, être des amis ou des condisciples d’Olivier et Pascal. Ils avaient le même âge et s’imaginaient à leur place.
La chanson parle d’un lieu imaginaire, le Requin Vert, un bar au bord d’une plage, qui en d’autres temps était un lieu festif. Un personnage entre dans ce lieu les armes à la main. On comprend qu’il l’a fréquenté en d’autres temps, à l’époque d’un bonheur simple. Le contraste entre le présent et le passé est saisissant : les vitres sont brisées et il y a des traces de rafales de mitraillettes. Tel une madeleine de Proust, le héros respire cet air de la mer qui lui rappelle d’anciens temps, le temps où la jeunesse, garçons et filles de Beyrouth, sans distinction, venaient aussi dans ce lieu.
Olivier chante « Si je dois mourir ce soir, je crois que j’aimerais que tout soit détruit autours de moi, pour finir sans regret ». Malgré son rythme presque reggae, calme et entraînant, le Requin Vert est une des chansons des plus sombres et des plus réalistes des Fils de Joie qui ont su en quelques lignes parfaitement traduire les conséquences qu’une guerre peut entraîner ou comment elle peut transformer un jeune individu en un combattant sans illusion.