Indochine Souviens-toi

vendredi 6 septembre 2024, par Franco

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La défaite du camp retranché de Diên Biên Phu, le 7 mai 1954 met fin à l’aventure coloniale française en Indochine commencée un siècle plus tôt. Le corps expéditionnaire Français ramenait avec lui des Indochinois qui avaient pris le parti de la France, notamment beaucoup de familles mixtes. Ces rapatriés mélangés étaient un peu les Harkis Indochinois. Bien que Français, ils furent parqués dans des conditions difficiles dans différents camps de réfugiés dont l’un des plus emblématique est celui de Sainte-Livrade dans le Lot et Garonne : le CAFI (le Camp d’Accueil des Français d’Indochine). « Indochine Souviens-toi » raconte l’histoire de ce camp à travers le destin de l’un de ses enfants : Francis « Sit » Seusse.

Sit et Olivier de Joie, c’est l’amitié d’une jeunesse déracinée. Ils ont tous deux connu l’exil et les coups du sorts ne les ont pas épargnés. Sit a perdu son père au CAFI où il est né dans une famille modeste et nombreuse. Olivier n’a quasiment pas connu sa mère, emportée par une leucémie quand il était tout petit. Le père d’Olivier était un fonctionnaire qui a passé sa vie outre-mer entre l’Inde, l’Afrique et le Pacifique. Sa mère a vécu quelques années en Indochine avant de s’installer avec le père d’Olivier à Madagascar. C’est là qu’il naît au temps de la décolonisation. Ballotté entre l’outre-mer et la métropole, au gré des affectations paternelles ou des choix éducatifs (le pensionnat dès la sixième), Olivier arrive finalement à Toulouse en 1976 où la famille a déjà passé quelques années auparavant. C’est là qu’il rencontre Sit et qu’ils se lient d’amitié. Tous deux ont basculé dans le rock, emportés par la nouvelle vague punk dès 1977.

« Indochine souviens-toi » n’est pas complètement un morceau des Fils de Joie. C’est avant tout un morceau d’Olivier. Certes, une première version existait en 1984 mais le thème n’avait rien à voir et n’avait jamais été terminé.

L’idée d’écrire ce texte a germé dans les années 2000, lors d’une visite d’Olivier au CAFI où Sit retournait régulièrement voir sa mère. C’est en écoutant ensemble les vielles cassettes des Fils de Joie que Sit avait conservées, qu’Olivier prend l’engagement d’écrire sur le Camp. Le soir même le texte est terminé. Cette amitié et cette proximité émotionnelle entre exilés lui a permis de trouver les mots. Tout y passe, sans jamais s’apitoyer sur le sort de ses amis du camp. Ces bad boys au grand coeur qui écoutent LSD et les Fils de Joie, qui aiment Bruce Lee et qui savent se faire respecter quand il le faut dans les campagnes du Lot et Garonne. Ils ont souffert au camp mais assument leur destin et l’aiment profondément. Eux qui cherchent simplement à s’intégrer sans renier leurs racines, aiment avant tout leur mère. Celle de Sit est un exemple d’amour et de sacrifice maternel. Comment Olivier ne pourrait-il pas les comprendre, lui qui confondait la sienne avec la Vierge Marie quand, tout petit, sa grand-mère lui disait qu’elle veillait sur lui dans le ciel.

Tout Français qu’il est, Olivier connaît la difficulté d’intégration. Lui-même a souvent été celui qui est différent, celui qui change fréquemment d’école, qui débarque d’ailleurs et doit essayer de se faire de nouveaux amis, celui qui les perd l’année suivante, celui sur qui on s’apitoie parce qu’il n’a pas de mère, puis celui qu’on regarde étrangement car il fait partie d’une famille recomposée et mixte avant l’heure, celui qui, à l’école primaire, ne sait pas dire combien il a de frère et soeur tant l’histoire familiale est compliquée, celui qui a changé de nom de famille à l’âge de cinq ans.

Il aime aussi le CAFI pour ce sentiment d’appartenance et cette solidarité qui contraste avec son propre sentiment d’isolement. Bref, il est celui qui rêve d’être simplement normal.

https://www.youtube.com/watch?v=h2w-vEO3JwA

Olivier et Sit ont enregistré une première version du titre en 2010 au Studio de La Belle Equipe à Aubervilliers. Sit joue la basse et on l’entend dans les refrains. Matthieu Moreau (LSD) joue la plupart des guitares. Des invités complètent le groupe, dont Kieu Nguyen (la fille de Tai Luc) et Nini Venin (l’épouse d’Olivier) pour les chœurs. Pascale sans retour ajoute les sifflets et François un proche de la raya LSD est à la batterie. Ils baptisèrent le groupe OST (Olivier Sit et Thieu). Cette version figure également sur l’album « Olivier Hébert » (Hébert fut le nom de famille porté par Olivier, notamment outre-mer, jusqu’à l’âge de cinq ans). Le titre a également été enregistré par les Fils de Joie. Il s’agit d’une maquette mais l’enregistrement a été retenu sur l’album « Nous ne dansons plus la nuit ». On peut noter que, par modestie, le couplet qui parle des Fils de Joie et d’Adieu Paris (mais aussi de Tai Luc et LSD) ne figure pas dans cette version. Néanmoins, en concert, Les Fils de Joie joue la version complète, surtout depuis le décès de Tai Luc.