Comme un animal

Les Fils de Joie

mardi 18 juin 2024, par Franco

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« Comme un animal » est un des morceaux les plus emblématiques des Fils de Joie, il est le reflet de son époque.

C’étaient le milieu des années 80. Reagan en était déjà à son deuxième mandat de président des Etats Unis et le libéralisme global triomphait. Golden Boy était le métier à la mode et le film « Wall Street » en faisait l’écho. Porter des bretelles était devenu le truc qu’il fallait faire pour avoir l’air cool mais pas pour tout le monde.

Réfugiés dans les locaux de Radio Libération, la Radio libre fantôme du 18ème arrondissement, Marc et Olivier de Joie, seuls rescapés du groupe, avaient posé leurs instruments et recréé un studio d’enregistrement de bric et de broc. Tels des survivants du rock, les deux squatters se sentaient en sursis dans cette époque qui avait déjà fait imploser Les Fils de Joie à cause de l’incompréhension de la maison de disque. A l’image du credo libéral économique, le décalage entre les attentes du label Phonogram et leur démarche artistique les avaient rendus amers.
Les textes des Fils de Joie furent rarement joyeux mais parfois plein d’humour. Ici, « Comme un animal » est juste désabusé, probablement tout aussi désespéré que « Adieu Paris ». La vision d’un monde sans idéal, régulé par les instincts primaires de l’individualisme triomphant est partout dans le texte. Seule lueur d’espoir, quand le « Golden boy », héros de la chanson prend conscience que « ça n’a plus d’importance » et exprime la volonté de partir pour « un monde sauvage » (préfigurant « into the Wilde ») mais il ne croit plus qu’il peut changer les choses : « Je déchire, j’efface, je jette, je casse… je respire … » initiant sa mutation en animal.

C’est une des toutes dernières chansons des Fils de Joie à cette époque (1987) avant le début d’une autre vie, tel le passage de l’adolescence au monde adulte où il faudra faire, encore, bien des compromissions. Mais au fond, c’est la liberté qui marque ce texte et cette chanson, avec ce saxophone qui entraîne le morceau, cette guitare avec sa ligne mélodique qui tient la chanson et ses chœurs qui donnent envie de chanter le refrain. Tel un félin qui se libère et qui peut encore courir les Fils de Joie s’enfuient. Ils sont libres et surtout ils sont vivants !